Le Grand Bain de Gilles Lellouche : à l’eau

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Le Grand Bain (2018) est un feel good movie à la française où le succès des personnages se mesure non pas à l’aune de leur réussite sociale ou amoureuse, comme dans sa version américaine, mais en fonction de l’estime qu’ils se portent. Recouvrer estime de soi et dignité, c’est le but ici assigné aux protagonistes. La réussite du film tient à la tendresse que le réalisateur porte à ses personnages de perdants, pieds nickelés de la natation synchronisée ; sa limite à l’indifférence qu’il voue à ce qui sort du cercle de son regard (voir les personnages du beau-frère et de sa femme, insupportables), puisqu’il est ici question de cercle et de carré.

Des acteurs chevronnés participent à l’entreprise. De gauche à droite, Mathieu Amalric en dépressif retiré du marché du travail, Guillaume Canet en père de famille reproduisant le schéma familial agressif qui lui fut légué, Benoit Poelvoorde en vendeur de piscine dépassé par sa comptabilité, Jean-Hugues Anglade en musicien raté qui y croit toujours et surtout Philippe Katherine en attachant benêt solitaire. Chacun joue dans son registre mais lui le fait avec plus d’à-propos comique que les autres. Ce petit groupe rebelle aux exigences d’efficacité de l’époque apprend la natation synchronisée sous la double férule de Virginie Elfira et Leïla Bekhti (elles aussi malheureuses) et les scènes où Bekhti prend en main leur entrainement sont fort drôles. Ici, l’important n’est pas l’objectif (synonyme de cet esprit de performance que le film réfute), mais de se mettre à l’eau, chacun des compères se délestant de ses malheurs par leur mise en commun (voir les scènes de confession).

Une fois ce schéma en place, le film ne surprend plus guère, mais il déroule son scénario, où il s’agit de participer au championnat du monde de natation synchronisée masculine (faisant un sort au cliché de la virilité), avec un sens du rythme qui insuffle suffisamment d’énergie au découpage pour tenir la distance. Au genre comique se mêle un éloge de l’inadapté, du cancre, celui qui confond cercle et carré dès sa première scolarité et persiste dans cette voie jusqu’à ce que le cercle (des nageurs déprimés) rentre enfin dans le carré (de la piscine – et par extension, de la société). Vision régressive qui fait toutefois par sa conviction le charme de ce film réussi.

Strum

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23 commentaires pour Le Grand Bain de Gilles Lellouche : à l’eau

  1. princecranoir dit :

    Cette fois tu me devances d’un jour (j’ai vu le film met ne jetterai la critique à l’eau que demain). Et nous sommes raccords sur l’approche sensible et touchante de Lellouche vis-à-vis des ses personnages qui ont le mérite d’exister malgré un casting assez improbable (le plus inattendu fut pour moi Anglade en rockeur chevelu de la cantine du lycéee). Le tandem le plus touchant est peut-être celui formé par Efira et Bekhti, deux revers de médaille qui s’adressent plus la parole mais rejoignent ce fameux cercle dans le rectangle de la piscine. Quant à Katerine, c’est un extra-terrestre (ou un terrestre extra, comme on veut) qui sort du lot.
    Mention très bien à la réalisation, fait assez rare pour ce genre de production pour être souligné.
    Et une bonne note bien sûr à l’article ci-dessus qui lui fait honneur. 😉

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  2. lorenztradfin dit :

    eh ben je vais donc devoir faire la queue aussi pour le voir – en lisant vos critiques (PrinceN) plutôt sympa’ avec ce « feel-good » movie que nous promettent les divers canaux de com’…… !

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  3. Ronnie dit :

    Je vais pas faire tapis sur cette grande bleue là, serviette plutôt que tapis d’ailleurs… Rien qui ne me branche au ciné ces temps ci …
    Je comptais miser sur Freddie Mercury mais voilà que Brian May lui même ne saute pas au plafond, donc je vais impasser là aussi, bref demain sera un autre jour, ou pas.

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  4. J.R dit :

    Allergique hélas à Gilles Lelouch et à ses (insupportables) films de copains je ne me derangerai pas… Je préfère encore regarder Camping 2. Mais en voyant la bande annonce je me suis demandé si ce n’était pas un remake déguisé de The Full Monty. Tu confirmes ou pas ?

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    • Strum dit :

      Je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu les film de copains dont tu parles et je n’avais donc pas cette appréhension. Le film est mieux fait que la moyenne des comédies française et je ne pense pas qu’il ait tant de similarités que cela avec The Full Monty (je ne m’en souviens pas très bien cela dit).

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      • J.R. dit :

        Il se trouve que j’ai confondu Gilles Lellouche (qui joue bien dans quantité de films de copains insupportables, avec les médiocres Jean Dujardin et … comme il s’appelle le gars de Marion Cottillard, l’ex peut-être, maintenant, je ne sais plus) avec son frère Philippe, qui a dû signer tous ses contrats en boîte de nuit à Saint Tropez, et qui est un acteur – si on peut encore employer ce mot- complétement … ( veuillez choisir le sobriquet qui vous plaira). Pour revenir à ce film que je n’ai pas vu, je suis très surpris par son accueil critique favorable. C’est là le vrai mystère à déchiffrer : comment un message sociétal fait aujourd’hui la valeur d’un film. Franchement il suffit de voir le triste Philippe Katherine, qui n’a absolument aucun talent, et qui a choisi de jouer toute sa carrière sur le second degré pour s’en convaincre. Au secours je coule…

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  5. Pascale dit :

    Jolie surprise. Un moment que je n’aurais pas cru si agréable.
    On ressort heureux alors que les personnages sont malheureux chacun à des degrés et pour des raisons divers. Lellouche m’épate pour le coup.

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